- Nous sommes officiellement samedi : l'horloge translucide inscrit en caractères bleutés "00:03" -
Je monte les escaliers étroits et grinçants d'un immeuble estampillé XVI°, à deux pas de N-DP, pour déboucher sur un palier anonyme. Au milieu de la porte est plantée une fente de boîte aux lettres : je glisse ma carte de visite en faisant claquer le battant en cuivre qui résonne dans la cage d'escalier. Je peux entendre des bruits de voix étouffés, de glissements de chaises, de pas, un verrou que l'on débloque d'un revers de main. La porte s'entrebaille, puis s'ouvre brusquement en grand.
- Tu es venu seul, man ?
- Heu, ouais. C'est grave ?
- Ben non, mais y avais des isittrue comme quoi tu serais acompagné d'une grande brune, là, je sais plus son nom, qui est en fac avec toi ... Tu vois ?
- Moi ce que je vois, c'est un riche alcoolique qui a déjà trop tapé dans la vodka !
- Fous-toi de ma gueule, n'empêche que c'est toi le con dans l'histoire. Tu te pointes toujours seul et sobre !
Guillaume avait beau être sérieusement bourré, il avait objectivement raison : j'étais irrémédiablement seul. Mais pourquoi étais-je venu ici en fait ? ... Ah oui ! Oui, Guillaume m'avait appelé de son nouveau Nokia tactile, digital, clavier design (très cher mais très laid à mes yeux), pour m'inviter à prendre un verre (ou deux) au Club avant de partir au Tania assister au concert de Charles. La rentrée du Club en quelque sorte.
Ce Club, je l'ai fondé il y a un an avec six très bons amis : nous sommes 21 maintenant, mais je ne veux plus personne d'autre. Notre QG est ce salon discret au coeur du 1er. Dans un coin, deux nerds à la Tekilatex que je n'ai jamais vu finissent une partie de poker commencée il y a probablement cinq ou six heures. Dès qu'ils me voient, ils se lèvent et viennent me serrer la main avec un étrange sourire de connard aux lèvres.
- Salut Jean-Robin ! Alors, toujours pas maqué ?
- Euh ... T'es qui ?
- ...
Antoine et Phil, on a pris une bière ensemble le mois dernier !
- Te fous pas de ma gueule, je ne bois pas de bière et le mois dernier, je savais très bien ce que je faisais : je ne vous ai jamais vu ! Ok ?
- Nan, je suis sûr. On s'était posé au Café des Editeurs.
- ...
Et sinon, vous jouez souvent au poker ?
Je sens une goutte de sueur glaçée couler avec une lenteur sadique le long de mon échine habillée par Figaret : putain, je perds vraiment la mémoire, alors ? Non, c'est juste ces deux gros cons qui essayent de me faire croire qu'on s'est déjà rencontré, n'y pensons plus, oublions ça ...
Je m'affaise dans le ventre cuir d'un énorme club un peu défoncé sur les coudes, puis je me fais servir une flûte de Pol Roger qui coule et mousse d'un magnum ventripotent. J'allume une cigarette et je clos mes yeux rougis par la fatigue et la fumée.
["Coupez !"]
1 commentaire:
club7..il sent (sonne) bon.c'est difficile de devenir un membre de ce club?
il faut faire comme des garçons?
facile alors:)
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