Samedi

Je fuis la chaleur qui fait mine de s'installer dans la ville pour rejoindre Noirmoutier. Un de mes cousins germains est avocat d'affaires et finit son stage à Nantes : comme il en avait marre de travailler avec des bourgeois de province ridicules et des fils de pêcheurs complexés, il a accepté un poste à Luxembourg. Depuis qu'il a signé son nouveau contrat, il ne fait absolument plus rien et peut, par conséquent, m'accompagner en voiture sur l'Ile. Volubile et enthousiaste, il me raconte ses affaires les plus onéreuses, mais je ne l'écoute pas. Je suis accoudé au rebord de la vitre et je contemple rêveusement le paysage qui défile, qui fait fuir le béton crasseux des périphéries, puis apparaître le vert et jaune dansant de la végétation de campagne. Mais où est l'océan ?
L'Immense me rejoint enfin une heure plus tard quand la voiture monte sur le pont démesuré et gonflé comme une colline de Disney. Il y a peu de monde, le vent souffle fort, il est chaud et bruyant, la mer étincelle de paillettes de soleil, je sens une très forte odeur de sel, iode, poisson, pourriture et courants.
Je suis éternellement damné à aimer la mer. Ca fait un peu bateau, mais je m'en fous ...

Retrouvailles familiales. Du monde, du bruit, de l'affection (simulée ou pas, mais ce n'est pas ce qui compte). Le grand jardin est envahi par la végétation luxuriante, luxueuse, tapis incroyable de verdure émeraude, d'hortensias, de camélias, de roses "rouges de feu" et "Chanel n°5" (importées de Bagatelle), de jasmin, de glycine jaune, ou encore de roses trémières si typiques de l'Ile. Allongé dans un fauteuil en rotin à cousins blanc, je savoure la paisible fraîcheur du soir, les yeux émerveillés de tant de beauté, délivrés de la laideur et de la médiocrité du reste du monde. Seule manque à ce tableau idyllique une jeune fille. Elle n'a pas répondu à mes appels, ni à mes SMS. Je passerai la voir tout à l'heure. Je crains, non, je "sais" le pire ...
Je m'en fous.